L’ivresse mentale

Bigorexie, addiction sportive…

Par la Mountain Queen

Ce qui suit est différent de ce que vous avez l’habitude de lire dans l’Hebdo TCR (Une personne avertie en vaut deux à ce qu’il paraît!)

Dans le quotidien, au-delà d’être la Mountain Queen du TCR (vous ne pensiez quand même pas que j’étais uniquement une tatouée du vélo…), je suis mère et également une professionnelle de la santé. Bien que je n’aie pas la prétention d’avoir la science infuse et d’être Marie Curie, je possède un certain bagage scientifique acquis au fil des années comme infirmière, rédactrice et formatrice en soins intensif.

L’une de mes tâches est de faciliter l’acquisition de compétence pour l’équipe multidisciplinaire. Ma soif de connaissance m’amène à vouloir comprendre la physiopathologie du domaine sportif.  En bref, mettre en lumière un phénomène à partir d’une mise en situation qui peut sembler anodine pour la plupart des cyclistes que je côtoies (et je peux m’inclure dans le lot) :

Dimanche Sutton 13h30, de retour au point de départ….
– OMG!!!! C’était malade. Nous nous sommes vraiment défoncés… J’ai les jambes “loadées”.

– Ouais, mais j’en avais franchement besoin…. Je n’avais pas eu ma dose depuis plusieurs jours. J’étais en manque.

Dialogue entre deux ou + cyclistes après une sortie canon…

Vous avez tenu le même discours aujourd’hui, cette semaine,  ou il n’y a pas si longtemps ? Vous vous sentez interpeler pour différentes raisons ?

Quel est votre perception face à cette mise en situation?

  • Je connais le sentiment de manquer de sport. 
  • J’aime aller au bout de moi-même. 
  • J’adore le sentiment d’euphorie à la fin d’une grosse sortie 

Vous vous reconnaissez (Dans l’une ou plusieurs de ces situations)
ou
Inversement vous avez une aversion ? Vous êtes de ceux qui pensent :
« ils sont malades !!!  On dirait deux toxicomanes qui discutent ensemble d’un trip de “dope” »

Peu importe de quel côté de la balance vous vous trouvez. Démystifions ce qui se cache derrière le côté euphorique, la sensation de manque et le besoin devenu essentiel de se dépasser…. La fameuse dose de sport.  Cette pathologie est reconnue depuis 2011 par OMS (Organisation Mondiale de la Santé) sous le nom de bigorexie.

Avertissement : 
Pour ne pas se perdre et pour les besoins de la cause, je simplifie au maximum la physiopathologie de la bigorexie et je n’utiliserais pas volontairement l’ensemble des terminologies. Cependant, il faut garder en tête que c’est un sujet extrêmement complexe que je ne fais qu’effleurer.

BIGOREXIE
(BIG pour gros + OREXIE pour appétit = Gros appétit pour le sport) 

En tant que cycliste (amateur), ayant subi à maintes reprises le sentiment de manque, expérimenté le besoin de me défoncer les jambes au point de devenir une larve de sofa à mon retour à la maison, le thème de l’addiction m’interpelle.

Comme défenseur de la pratique cycliste à des fins de santé… La bigorexie pose un véritable cas de conscience, car cela sous-entend quelque chose de nocif. Effectivement, nous rencontrons une véritable souffrance physique et psychique parmi cette addiction sans substance (pour faire contrepoids aux addictions comme l’alcoolisme, ou la toxicomanie,…). La glorification sociale du sport (et souvent les exploits/accomplissements qui s’y rattachent) rend ce sujet tabou. 

Ceci étant dit, c’est quoi que ça mange en hiver la bigorexie? 
Cette addiction implique autant le côté psychologique que physiologique. Dans le cadre de cet article, j’aborde seulement la physiologie.

Vous avez tous sûrement entendu parler, ou vécue la fameuse « extase du sportif ». L’une des causes de ce “high” serait les endorphines.

Puisque le côté physiologique comporte des notions biologiques et chimiques, pour mieux comprendre les effets secondaires de l’endorphine sécrété à long terme, revoyons quelques notions du système nerveux. 

Le système nerveux est comme le président de notre corps. Accompagné de son comité de direction : les neurones qui travaillent en synergie pour le maintient de l’homéostasie (l’équilibre) de notre organisme. Sans ce système, nous serions dans de beaux draps!!!

En bref, si le président donne un ordre, les neurones se mobilisent pour l’exécuter. Ce sont de drôles de bibittes qui au bout de leurs queues, possèdent un ensemble de serrures (récepteurs). Au moment où est dicté l’ordre présidentiel, certaines serrures sont activées pour y accueillir des clés et c’est là ….Alakazam…. que la magie s’opère (Avec ou sans baguette magique!). Il y a soit une stimulation ou une inhibition de l’organisme en fonction de la porte (récepteur) qui est ouverte puisqu’elle accueille la bonne clé. 

Mais où je veux en venir avec ça?
Il faut retenir que l’organisme est une machine qui reconnait certaines molécules. Elles sont soit stimulantes (sensation de plaisir intense, une impression d’énergie, de puissance…) ou sédatives (elles seraient responsables du plaisir, bien-être voir euphorie). 

Le besoin d’équilibre
Notre corps pour bien fonctionner à besoin d’équilibre. Il ne doit pas être trop excité ou pas trop sédationné.

L’alcool est un bon exemple. Il agit sur le système nerveux en imitant les effets des récepteurs(serrures) GABA (se traduisant par une activité électrique moins rapide et moins efficace des neurones expliquant ainsi l’effet sédatif de l’alcool). En contrepartie, les NMDA sont dit excitateurs. 

Le cerveau étant bien fait, il maintient cet équilibre. Nous pourrions le voir comme une balance.

GABA (inhibiteur/relaxant comme la tisane du soir)
NMDA (excitateur/stimulateur comme un expresso le matin)


Tout comme l’alcool (ou autre stupéfiant), le sport augmente la libération d’endorphine, qui se situe du côté de GABA. C’est comme si je vous administrerais une bonne dose de morphine. “Watchout” le Buzz!

L’équilibre est donc rompu !!!!

Les effets s’en font ressentir : 

  • L’effet analgésique ou réducteur de la douleur
  • L’effet anxiolytique
  • L’effet euphorisant 

Pour l’instant, tout ceci est de courte durée et fait vivre à notre hôte un moment de pur bonheur. Comme nous savons bien le dire chez les TCR : LA VIE EST BELLE! 

Le problème survient lorsque le sport est consommé régulièrement. Le métabolisme voulant maintenir l’équilibre (homéostasie), il contrebalance l’excès au niveau des récepteurs GABA en diminuant la production de ce dernier et en augmentant les NMDA dit excitateurs. 

De cette façon, l’organisme retrouve un certain équilibre. Mais le «high» n’est plus présent. Il faut donc augmenter la dose (= le temps de sport) pour retrouver un déséquilibre et ressentir à nouveau cette euphorie, d’où vient le fameux : il m’en fallait toujours plus!  Cette addiction entraine un état d’esclavage…

Lorsque l’équilibre GABA-NMDA est rompu, il y a sevrage de sport : l’organisme n’est pas en mesure de contrebalancer rapidement la sécrétion importante de substance excitatrices. 

C’est à ce moment que les signes et les symptômes d’hyperexcitabilités neuronales font leurs apparitions :
– le sommeil est perturbé,
– l’irritabilité,
– la fatigue chronique,
– l’agressivité,
– la dépression…

Il est important de savoir qu’il y a une variabilité inter-individuelle de sensibilité aux récepteurs, ce qui sous-entend que certains individus seraient plus prédisposés que d’autres. Donc n’ayez crainte, nous ne devenons pas tous dépendant du sport. De plus, ce désordre ne s’installe pas du jour au lendemain. 

À suivre ….

J’ai défini sommairement le côté physiologique de la bigorexie. Dans un autre article, je vais traiter le côté psychologique, ce qui va mettre en lumière les signes et symptômes associés qui permettent de déceler la pathologie.

Comprendre cette maladie sans pointer du doigt les cyclistes, ni d’en décourager la pratique. Il s’agit plutôt de promouvoir sainement l’activité sans excès. Il faut se rappeler fréquemment que le vélo doit être toujours pratiqué dans le plaisir… et non par obligation…   Mais vous avez toujours le droit de dire Merci, Bonsoir!….   Ouf!

Références :

Dixit, D., et al., Management of Acute Alcohol Withdrawal Syndrome in Critically Ill Patients.
Pharmacotherapy, 2016. 36(7): p. 797-822.

Long, D., B. Long, and A. Koyfman, The emergency medicine management of severe alcohol withdrawal.
Am J Emerg Med, 2017. 35(7): p. 1005-1011.

Arthur Cocaign, (2017). Thèse en vue du Diplôme d’état de Docteur en pharmacie:
La bigorexie : rôle du pharmacien d’officine dans sa prévention et sa détection.
Repéré à: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01812118/document

Balance GABA VS NMDA a été révisée par :
Mathieu Desgroseillers, Pharm. D, M.Sc. Pharmacien CISSME

Chabot Maude, Samuel Casavant, Isabelle Messier, Sébastien Gingras (2019) Histoire de cas : M. Gagné (ARDS/ Choc septique) : St-Hyacinthe, Hôpital Honoré-Mercier, département de soins intensifs et inhalothérapeutres.

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3 thoughts on “L’ivresse mentale”

    1. Merci Master Bruce. Hope you still have good time at E47… MTB season just starting. Already have 4 MTB Days in Rougemont.

  1. Bonjour,

    Commentaire qui se veut constructif.

    Vos articles sont fort intéressants mais vous devriez utiliser Antidote comme correcteur.

    Il y a des coquilles qui déconcentrent du contenu.

    Sans malice.

    DO

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